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Journal, Le Progrés

Qu’est-ce que la biographie hospitalière, qui accompagne les malades en fin de vie ?

La biographie hospitalière, qui consiste à recueillir l’histoire de malades en fin de vie, se professionnalise peu à peu. Les professionnels espèrent faire reconnaître la pratique comme un soin de support non médicamenteux.

Début octobre, 24 étudiants ont fait leur rentrée sur les bancs de la faculté de médecine de l’Université catholique de Lille, pour inaugurer un nouveau diplôme universitaire : celui de biographie hospitalière. La biographie hospitalière consiste à rencontrer une personne gravement malade ou en situation de soins palliatifs et de lui faire raconter l’histoire de sa vie. Le patient et ses proches reçoivent ensuite gratuitement le livre retraçant cette histoire.

La pratique a été initiée il y a plus de 15 ans au sein du service d’oncologie de l’hôpital de Chartres. « Ça a été reçu rapidement comme quelque chose de très positif. C’était un outil supplémentaire dans le cadre de la prise en charge des patients en soins palliatifs et pour que le malade redevienne un peu plus acteur de son histoire », souligne Frédéric Duriez, médecin dans le service d’hématologie-oncologie de l’hôpital Pasteur de Chartres.

Un processus d’accompagnement au deuil

Rapidement, des bénéfices sur le patient et ses proches sont constatés. « Le malade qui est en fin de vie, très très souvent, tourne en rond et n’arrive plus à penser à autre chose que la maladie. L’expérience que nous faisons du travail de biographie, c’est que ça peut ouvrir le patient sur autre chose, il peut s’apercevoir que sa vie est colorée, qu’on peut refaire du lien », constate Frédéric Duriez.
Pour les familles, c’est passer du temps avec son proche malade en dehors de ce qu’il vit et le livre symbolise les derniers mots de la personne, ce qu’elle est. Il devient un objet parfois transitionnel, un peu sacré, un objet consolant », observe Valérie Bernard, biographe hospitalière à Toulouse.
« On va dans l’intime, et on voit la personne aller vers un apaisement. Ça a une vertu d’accompagnement au deuil par la transmission, mais aussi parce qu’il y a ce procédé au niveau de l’écriture qui est très important », abonde Valérie Milewski, biographe hospitalière et fondatrice de la pratique en France. A la condition toutefois que le malade ait bien intégré le fait qu’il allait mourir, « sinon il le vit comme un testament, alors que l’objectif est d’abord avant tout de un faire un travail sur soi et pour soi », note Frédéric Duriez.

Vers une reconnaissance du métier

La pratique tend aujourd’hui à se professionnaliser. En plus du nouveau diplôme universitaire à Lille, qui propose 22 jours de formation, un cursus doit ouvrir en janvier à l’Université de Toulouse. Celui-ci accueillera 15 étudiants pour 90 heures de formation autour de sept modules d’apprentissage. A la rentrée 2025, un diplôme interuniversitaire verra également le jour entre l’Université de Strasbourg et celle de Lille.
Le biographe hospitalier étant en permanence au contact de la maladie et de la mort, il faut assis s’y préparer. « Il faut travailler sa propre posture vis-à-vis du deuil, être clair par rapport à ça et travailler la complexité du transfert, intégrer les dimensions du deuil », souligne Valérie Bernard.
Ces formations se développent aussi pour visibiliser et légitimer la profession. L’enjeu est, à terme, la reconnaissance de la biographie hospitalière comme un soin de support médicamenteux. » C’est urgent, parce que notre expérience nous montre que c’est un soin qui permet aux malade de continuer à vivre, c’est à dire de ne plus être dans le monde du soin palliatif « à côté de la société », souligne Frédéric Duriez.
Une reconnaissance pourrait aussi faciliter l’exercice du métier, alors que pour rétribuer, les biographes doivent trouver des financements auprès de mécènes, des collectivités territoriales ou via des appels aux dons. « La biographie hospitalière se port plutôt bien, elle est bien reçue. Le chemin se fait, puisque est inscrit à titre expérimental dans le plan décennal de l’accompagnement de la fin de vie qui devrait voir le jour prochainement », positive Valérie Milewski

Cyrielle Thévenin