Toulouse : A l’écoute des patients en fin de vie, elle couche sur le papier leurs histoires et leurs mémoires
3 juin 2021
BIO HOSPITALIERE Depuis un an, Valérie Bernard intervient au sein de l’unité de soins palliatifs du CHU de Toulouse en tant que biographe hospitalière. Elle recontre les patients pour écrire des pans de leur vie
- Depuis un an, la Toulousaine Valérie Bernard est biographe hospitalière, un métier récent et méconnu.
- Elle intervient auprès des patients en fin de vie de l’unité des soins palliatifs du CHU de Toulouse dont elle recueille les récits avant de les retranscrire dans un livre.
- Aux effets thérapeutiques pour les patients, ce livret est ensuite remis aux familles après le décès et permet d’un être outil dans le travail de deuil.
Il y a un peu plus d’un an, Georges perdait sa fille, Lyne, atteinte d’une grave maladie. Avant de partir, et sans que sa famille soit au courant, cette jeune maman avait partagé des moments de sa vie avec Valérie Bernard au sein du service de soins palliatifs du CHU de Toulouse. Des histoires et mémoires que cette biographe hospitalière a depuis couché sur du papier, avant d’en faire un beau livre relié remis à ses proches quelque temps après son départ.
Hier comme aujourd’hui, elle fait partie intégrante de l’équipe. C’est avec les psychologues, médecins et personnels soignants, qu’elle va déterminer les patients avec lesquels elle pourra échanger s’ils en ont la volonté. « Ça rentre dans le cadre d’un vrai projet de soins, c’est tout sauf une écriture testamentaire ou un livre littéraire, c’est un projet de vie. Certains veulent laisser quelque chose à leurs enfants, d’autres veulent se poser, se raconter. Cela offre un espace unique et singulier qui n’appartient qu’à la personne », assure celle qui a fondé l’association Notes de vie pour pouvoir intervenir en milieu hospitalier et en Ehpad.
Un effet thérapeutique
Ces derniers peuvent lui livrer des anecdotes, des pensées plus intimes, des peines ou rancœurs aussi. Des mots qu’elle met en forme mais qui restent toujours ceux du patient, pour ne pas déformer ses pensées et que ses proches puissent le retrouver.
En racontant sa vie, le patient se voit autrement que malade, il renvoie à un côté positif, se raconter c’est aussi se reconstruire. C’est un support pour les équipes et il y a un effet thérapeutique, cela fait partie du « prendre soin » », assure Magali Mallet, psychologue au sein du service de soins palliatifs. Pour ce professionnel, la blouse blanche peut être parfois un frein. Valérie Bernard apporte une respiration dans le quotidien des malades, souvent rythmé par les piqûres et autres examens. Certains d’entre eux avaient d’ailleurs déjà pensé à écrire et voient ainsi se concrétiser un de leurs projets. D’autres estiment que leur vie a été banale, « mais il y a avant tout une vie, à nous de leur faire comprendre que tout est essentiel », poursuit Magali Mallet. Des choses essentielles, parfois non dites, et qui permettront à ceux qui restent de mieux les comprendre.
Pour la psychologue, ce nouveau métier est un complément aux soins palliatifs. Aujourd’hui, l’association « Notes de vie » de Valérie Bernard peut proposer ces biographies hospitalières gratuitement grâce à des financements privés, notamment du mécénat. Un an après son arrivée dans le service, elle a pu remettre neuf livres à des familles. « Et à chaque fois, cela a été un outil d’accompagnement du deuil et c’est toujours un cadeau très fort pour les familles », conclut-elle.
« Au reçu du livret » Notes de vie « , j’ai mesuré ce que tous ces ultimes récits pouvaient apporter au malade lui-même et au-delà à ceux qui restent. On se dit en effet dans ces moments critiques tout l’amour qu’on se porte mais on a peu conscience des pensées qui traversent le malade et qui restent et resteront inexprimées », raconte Georges. Pour ce père, le travail méconnu de Valérie Bernard a pris un sens particulier, lui a permis de découvrir des pans de la pensée de Lyne, « dans lesquels nous, parents, avions joué un rôle majeur dont nous n’avions pas connaissance ».
Des mots, des expressions, des chansons de son adolescence qu’il aime aujourd’hui « lire et relire », qui l’émeut et l’apaise. Un sentiment qu’il doit à celle qu’il appelle la « passeuse de mots » et dont il aimerait voir la fonction humanitaire plébiscitée par les administrations hospitalières.
Il faut dire qu’aujourd’hui, ils sont peu nombreux à exercer ce métier récent et méconnu. Valérie Bernard a décidé de se lancer après y avoir mûrement réfléchi. Il y a encore quelques années, elle était infirmière en soins palliatifs au sein de l’unité Resonance du CHU de Toulouse. « Nous avons une place privilégiée dans une unité comme cela et j’ai toujours été interpellée par les témoignages que les gens partageaient avec nous », se rappelle-t-elle. Alors quand elle a entendu parler des biographes hospitaliers, elle a décidé de se réorienter, pour soigner, mais d’une autre manière.