Valérie, fondatrice de l’association « Notes de vie » : « Pour un malade en fin de vie, écrire son histoire, c’est demeurer vivant »
5 mars 2020
Valérie est infirmière. Elle vient de créer à Toulouse, l’association « Notes de vie » pour aider les patients en soins palliatifs à raconter leur histoire. Une autre thérapie.
La biographie hospitalière, c’est quoi ?
La biographie hospitalière consiste à proposer à une personne atteinte d’une maladie incurable de raconter à un biographe formé, des épisodes de son histoire, des souvenirs et, de recevoir gracieusement, lui-même ou un proche désigné, le récit de sa vie sous forme d’un très beau livre relié par un artisan d’art. C’est une démarche de soin toujours gratuite pour le patient et ses proches. Le biographe professionnel fait partie intégrante de l’équipe soignante et exerce en pluridisciplinarité. De ce fait, la proposition de ce travail de narration émane toujours d’un membre du service de soin dans lequel le patient est hospitalisé. Enfin, le biographe qui a reçu une formation spécifique s’attache à rester au plus près des mots de la personne. Il reste fidèle à ce qu’il entend : il s’agit bien de « tenir parole et de rendre parole ». Valéria Milewski, fondatrice de la démarche, insiste sur cette notion de « demeurer dans la voix de l’autre ».
Poser des mots sur son histoire peut faire figure de thérapie ?
Aujourd’hui, nous nous battons pour faire reconnaître cette démarche comme un véritable soin de support et, bien au-delà, comme un outil d’accompagnement précieux auprès des personnes âgées atteintes de maladies dégénératives. Quand une minute en compte cent et que l’on se sent diminué, inutile, fragmenté par la maladie, que surgissent des questions existentielles comme « qui suis-je, qu’ai-je fait de ma vie, quel sens à ma maladie ? » La démarche de la biographie hospitalière peut être, en complément du travail quotidien de tout un service, un début de réponse, un pas vers soi. Ce travail de narration va permettre au patient de recréer du lien, d’investir une place différente de celle qu’il occupe en tant que malade : « Je ne suis pas que malade, je suis un homme comme vous » et parfois d’oser dire ou de prendre le temps de dire certaines choses à ces proches, son entourage. C’est avant tout transmettre un vécu singulier, mais c’est aussi demeurer vivant grâce à son récit, car la transmission conjure l’oubli.
La démarche intéresse-t-elle beaucoup de patients ?
La présentation de la démarche à la personne malade est primordiale car, celle-ci n’est en aucun cas testamentaire. La proposition qui émane du médecin ou du soignant se fait par des portes d’entrées très différentes. Une personne peut vouloir partager avec ses proches son histoire, une autre, plutôt isolée, y verra un temps d’échange privilégié, une autre encore pourra y investir des questionnements personnels, des réflexions ou bien laisser sur papier ses propres poèmes… Les patients nous disent : « vous savez ma vie n’a pas été très intéressante, j’ai travaillé à la ferme durant 60 ans ». La force du travail biographique c’est de leur montrer que chaque vie est unique et mérite son histoire. L’expérience a montré que le bénéfice est transversal. Quand on arrive à faire le vide dans son esprit, la douleur s’en va. Et les proches, peuvent dans un premier temps partager ce projet. Ils vivent ce livre comme le plus beau des cadeaux, parce que « quand je le lis, il est là »…
Avec quelles structures toulousaines travaillez-vous ?
Le projet est en train de voir le jour le jour au CHU de Toulouse, à l’unité de soins palliatifs Résonnance, mais la clinique Pasteur emploie un biographe hospitalier depuis octobre 2019. Nous sommes actuellement en relation avec plusieurs EHPAD sur la région afin de promouvoir la démarche plus particulièrement auprès de personnes âgées présentant une maladie neuro-dégénérative. L’association Notes de vie est affiliée à celle de Valéria Milewski « passeur de mots, passeur d’histoires ». Nous adhérons à une charte éthique qui encadre notre travail. Si nous avons choisi d’ouvrir une cagnotte aujourd’hui c’est parce que tout cela a un coût, le travail du biographe et la confection du livre relié. Chaque ouvrage revient à 200 euros pièce et nous remettons gracieusement à la personne malade ou à ses proches deux très beaux livres.